Roue cosmique

Que détecte la Roue cosmique ?

On l’appelle roue car elle peut tourner telle une roue pour orienter les détecteurs dans la direction désirée mais par contre elle ne vient pas du cosmos !  Elle a été conçue pour détecter des particules issues des collisions des rayons cosmiques avec les noyaux atomiques composant l’atmosphère.

Les rayons cosmiques composés en majorité de protons cosmiques (87 %), d’origine galactique et extragalactique (les phénomènes à l’origine de leur production restent inconnus) possèdent des énergies qui peuvent atteindre 1020 eV = 10 J  de quoi soulever une masse de 1 kg sur une hauteur de 1 m !. Heureusement que ces protons interagissent facilement avec la matière et très peu d’élus arrivent au sol. Ils sont à l’origine de cascades de collisions qui produisent de multitudes de particules (figure 1) à des dizaines de kilomètres d’altitude et qui arrosent l’atmosphère. Parmi les particules qui arrivent au sol on trouve principalement les muons et les neutrinos. Les muons sont vus par le cosmodétecteur.

Il peut également détecter toute particule chargée électriquement.

Entrée d’un proton dans l’atmosphère

Carte d’identité du muon

Dans le Modèle dit Standard de la Physique des Particules, la matière connue est composée de quarks et de leptons (12 particules en tout). Ces particules interagissent selon trois types d’interactions fondamentales dont les médiateurs sont les bosons de jauge. La gravitation,  la quatrième interaction n’est pas intégrée dans le Modèle standard.

Le muon 

  • Il est chargé électriquement (µ+ et µ particule et antiparticule)  donc sensible aux interactions électromagnétiques.
  • C’est un lepton, il est sensible à l’interaction faible mais ne sent pas l’interaction forte.
  • Jusque là il partage les mêmes propriétés que l’électron sauf qu’il est plus massif : 207 fois plus « lourd » (plus grande inertie)
  • Une autre différence, le muon « meurt » : sa durée de vie moyenne mesurée dans son référentiel propre  est de τ ≈ 2,197 µs. (une horloge « embarquée » avec le muon indiquerait 2,197 µs)

Le muon provient de la désintégration des pions π dans la haute atmosphère (figure 1) par collision de protons avec les nucléons (baryons) de l’atmosphère. Ainsi, une fois produit par :  

le muon  se désintègre selon

au bout d’un temps moyen τ.

L’arrivée du muon et sa détection

Le muon issu de la désintégration d’un pion, à quelques dizaines de kilomètres d’altitude, fonce à la vitesse relativiste, proche de celle de la lumière c, vers le sol. Il passe presque inaperçu par les noyaux de l’atmosphère car insensible à l’interaction forte, il peut subir des diffusions avec les particules qui le dévie  un peu de sa trajectoire.  Pour le cosmodétecteur ou pour tout observateur terrestre, le muon relativiste bénéficie de la dilatation des durées : il vit plus longtemps, le sursit peut aller jusqu’à 60 fois τ  ce qui lui laisse le temps d’arriver au sol.  Plus exactement, l’âge moyen du muon pour un observateur terrestre ou durée de vie mesurée Δtm ( durée de vie impropre) dépend  de sa vitesse v : 

Comme   v < c, le facteur de Lorentz γ est supérieur à 1.

La roue qui voit le muon

Le cosmodétecteur représenté sur la figure 3, comprend trois raquettes 1, 2 et  3 amovibles mais qui peuvent être montées sur la roue. Cette dernière peut tourner d’un angle lu sur la face avant.

Suivons un muon qui arrive (figure 3) :

  • Il traverse le premier scintillateur de la raquette. Il y produit des photons. En effet, comme le muon est chargé électriquement il excite les molécules du plastique composant le scintillateur (figure 4).  Ces molécules se désexcitent en émettant de la lumière (dans le visible et l’ultraviolet), de la même manière que dans les tubes fluorescents.
  • Le muon n’ayant perdu qu’une petite partie de son énergie file droit vers le deuxième scintillateur.
  • Derrière lui, la lumière qu’il a produite se dirige vers la photocathode pour y arracher des électrons par effet photoélectrique (figure 5) : un photon incident d’énergie  est utilisée pour arracher un électron de son environnement, en investissant une énergie minimale W0 (transférée sous forme de travail dit de sortie de l’électron). L’excédent d’énergie   hν – W0  correspond à l’énergie cinétique de l’électron.
  • Le passage du muon dans scintillateur 1 est donc signé par la production des électrons qui induisent une tension électrique trop faible.  Pour obtenir une impulsion électrique exploitable, il faut multiplier  le nombre de ces électrons par un million ; c’est le rôle du photomultiplicateur (PM) figure 6.

 la sortie de chaque PM on peut visualiser les impulsions correspondant aux charges collectées (figure 7).  Mais ces impulsions ce ne sont pas seulement dues au passage d’un muon. L’électronique de la roue est aussi victime, comme toute électronique de détection, de signaux parasites (le rapport signal muon sur bruit est de  ≈1/15).

Figure 7 : Visualisation des signaux à la sortie des PM. A droite, le signal issu de PM1
visualisé à l’aide d’un oscilloscope 60 MHz- 1 GS/s. A gauche, enregistrement de deux
signaux en coïncidence

  • Il est donc nécessaire de valider les événements « muon » en détectant le muon lors de son passage dans le scintillateur 2. On ouvre une fenêtre de temps pendant 100 ns et si pendant cet intervalle les deux détecteurs « bipent » il y a alors de très fortes chances qu’il s’agisse d’un muon. Cette technique porte le nom de coïncidence (date de 1932).
  • Les signaux sont numérisés et discriminés dans l’interface (figure 8)

Que peut-on mesurer avec la roue ?

  • Le nombre de muons par seconde en fonction de l’endroit, de l’orientation, des matériaux traversés …
  • Utiliser l’effet Cerenkov pour montrer que les particules proviennent du ciel.
  • Mesurer la durée de vie moyenne du muon en exploitant la dilatation des durées annoncée par la théorie de la relativité restreinte.

L’histogramme précédent est le résultat d’un comptage de muons arrivant dans la salle C2.1 en mettant en coïncidence deux compteurs 1 & 2.  La lecture des résultats donne 10 muons toutes les 5 secondes soit 2 muons en moyenne par seconde.

L’effet Cerenkov se produit dans un milieu transparent où la vitesse de la particule v (ici le muon) est supérieure à la célérité de la lumière dans le milieu (oui mais v > c/n et non v > c !). C’est l’équivalent de l’effet qui se produit quand un avion dépasse le mur du son (de vitesse plus grande que la célérité du son dans l’air)  Quand le PM est vers le bas le comptage est plus grand, ce qui montre que les particules viennent d’en haut.

La mesure de la durée de vie moyenne du muon (figure ci-dessous) nécessite un temps d’acquisition plus important (plus d’une dizaine d’heures) pour accumuler suffisamment de données.

Une des grandes expériences qui utilise des détecteurs de muons est ANTARES. Avec ses 900 photodétecteurs immergés en méditerranée, ANTARES observe le rayonnement bleu Cerenkov produit par un muon issu de  l’interaction d’un neutrino cosmique avec la matière.  Ceci permettrait en outre de comprendre les mécanismes de production des rayons cosmiques, d’élucider l’énigme de la masse manquante de l’Univers.

Djafer ADENY